Un voyage dans mes Etages

 

LES CHANGEMENTS DE PHASES VUS SOUS L’ANGLE DES SITUATIONS CONFRONTANTES OU « UN VOYAGE DANS LES ETAGES »

 

Auteur : Mireille Clapier-Desclos

 

 

 

Une personne qui m’est chère, également coach, m’a demandé de l’accompagner dans l’exploration de son profil PCM© et dans la validation de ses « étages » successifs, pensant avoir très récemment vécu son dernier changement de phase.

Sa démarche visait, d’une part à accueillir la tristesse ressentie en constatant son nombre de phases vécues qui la renvoyait à une prime enfance difficile, mais aussi et surtout, passée cette tristesse, à se réjouir du « cadeau caché » et exploiter au mieux la richesse des qualités que l’arrivée probable au 6ème étage de sa pyramide impliquait selon le modèle PCM©.

Nous avons donc ensemble suivi pas à pas ses évolutions au fil des événements vécus et situations confrontantes rencontrées.

Voici donc le voyage à travers ses étages, que par facilité et pour le rendre plus vivant, je raconterai à la première personne.

 

 

Première étape du voyage : ma Base Rêveur

 

C’est une période floue… où excellente élève mais solitaire, j’étais très souvent perdue dans mes  pensées et mes rêveries. Mon univers quotidien ne me convenait pas.

J’y étais très souvent malade, seul moyen que j’avais inconsciemment trouvé pour m’échapper d’un environnement peu propice à mes besoins de solitude, et que je ressentais répondre par la négative à ma question existentielle : « suis-je voulue ? ».

Je retrouvais toutefois joie de vivre et enthousiasme quelques jours après être arrivée chez mes grands-parents maternels qui m’accueillaient à chaque période de vacance.

L’étage du dessous m’y était réservé ainsi qu’à ma cousine, et j’y avais ma chambre, antre dans laquelle on ne rentrait pas sans mon invitation.

Je me « perdais » aussi avec délice dans le jardin de la villa, qui me semblait à l’époque immense, avec nombre de recoins où s’installer pour lire ou rêvasser.

Papé était calme et solide, avec des yeux qui pétillaient et souriaient lorsqu’ils se posaient sur moi. Nous avions instauré des rites que nous partagions souvent en silence.

Mamé était gaie et tendre et manifestait en câlins et paroles aimantes son plaisir de m’avoir près d’elle. Nous devisions des heures, marchions ensemble des kilomètres, riions beaucoup et refaisions le monde, probablement unies par une Base rêveur commune.

Je n’avais alors aucun doute sur le fait que j’étais pleinement accueillie, et « voulue ». Le reste du temps, je traversais ma vie sans que j’aie l’impression d’en avoir le contrôle, au rythme des années qui passaient, de mes succès à l’école puis au collège et des soucis de santé, peu graves mais continuels.

 

Je sortis de cette phase vers l’âge de 13 ans, à l’issue d’un événement que je ne nommerais que plus tard car j’ignorais alors que d’autres pouvaient l’avoir partagé : une expérience de mort imminente.

A mon retour de ces heures de parenthèse, après plusieurs mois difficiles où je souhaitais retourner à l’état de félicité que j’avais ressenti, je pris la première vraie décision de ma vie : j’allais vivre, et aider les autres grâce à la certitude de bonheur futur que j’avais expérimentée.

Situation confrontante étrange… mais première prise de contrôle de ma vie : je passai alors du rez-de-chaussée à mon premier étage !

 

 

Arrêt au premier étage et dans ma deuxième phase vécue : ma Phase Empathique

 

La première phrase dont je me souvienne de cette époque, est celle que j’avais dite à mon père à l’issue de la première vraie promenade que j’avais faite avec lui à ma demande.

Elle concernait ma petite sœur, qui n’avait pas un an, et pour laquelle je demandais qu’on lui donne de l’amour et qu’on « lui parle bien » car c’était important de « se sentir aimé ». Grande période où je plaçai le bien-être de ce petit bout de femme au-dessus du mien, et où je m’interdis d’en être jalouse.

J’avais alors plus d’amis et ne craignais plus de me retrouver en groupe bien qu’ayant ce besoin structurel de me préserver des espaces de solitude. J’avais aussi un besoin nouveau et taraudant : qu’on m’apprécie, qu’on m’aime… et lorsque j’avais l’impression que tel n’était pas le cas, je commettais parfois des erreurs stupides.

C’est probablement la raison pour laquelle, alors que j’excellais dans la pratique du piano face à mon professeur, je loupai plusieurs fois mes épreuves pratiques au conservatoire, certaine que les regards neutres des examinateurs impliquaient qu’ils ne m’aimaient pas !

 

A cette époque-là, je manifestais peu ma colère… sauf lorsque la coupe était pleine et je partais alors en claquant la porte… pleine de larmes et de chagrin de n’être pas aimée…

Jusqu’au jour où, pour la première fois, je rouvris la porte quelques heures après l’avoir claquée, pour confronter la personne contre laquelle j’étais en colère et lui expliquer mes raisons.

Cela ne changea pas la face du monde… mais – pour avoir ressenti et exprimé justement ma colère – je passai alors à la phase suivante.

 

 

Arrêt au deuxième étage et dans ma troisième phase vécue : ma Phase Rebelle

 

Cette époque est, dans mon souvenir, une période de liberté.

Liberté de dire ce que j’avais envie de dire lorsque j’avais envie de le dire.

Liberté de connaître toutes sortes de gens nouveaux.

Liberté de m’épanouir à l’université en apprenant plein de matières nouvelles avec des professeurs différents et passionnants.

Liberté de sortir tous les soirs ou presque et de connaître un monde de fête.

Liberté de travailler et de gagner enfin ma vie en ayant l’impression d’être payée à m’amuser.

Liberté de partir en WE sur un coup de tête, une envie ou un raz-le-bol du moment.

 

Je ressentis probablement d’autant plus fort cette sensation de liberté qu’ayant enfin un endroit à moi où me ressourcer, je cessai du jour au lendemain d’être « malade ».

Mes amis étaient amusés par mes clowneries, ma joie de vivre et mon vocabulaire quasi adolescent : « c’est trop génial ! », « c’est nul ! », « et si on faisait ça ? ».

Ils étaient aussi habitués à me voir disparaître pour quelques jours, et savaient que j’avais alors probablement eu envie de voir mes grands-parents ou de me ressourcer au soleil, au plus près de mes racines.

 

Je n’ai pas le souvenir précis de mes séquences de stress de l’époque, les plus présentes dans ma mémoire étant toujours celles de ma Base. Je réussissais à peu près tout ce que j’entreprenais… sauf dans l’univers amoureux… où je papillonnais sans me fixer jusqu’à ce que je rencontre, à la trentaine, mon premier… puis mon second mari. Je ne me remettais guère en cause après chaque rupture, « l’autre » étant toujours selon moi « responsable » pour « être trop » quelque chose ou « pas assez » autre chose.

 

Ce n’est qu’à la naissance de mon premier enfant que, pour la première fois dont je me souvienne de cette époque, j’assumai enfin ma responsabilité.

Responsabilité dans quoi ? Dans les sentiments mitigés, voire quasi désespérés, que je ressentais face à cette petite fille délicieuse que son père et moi avions pourtant tant désirée.

Ce jour-là, je regardai mon enfant et je pensai : « Ce n’est pas toi qui me rends malheureuse. Tu n’es pour rien dans ce que je ressens et j’en suis désolée pour toi qui mérite une mère aimante… c’est mon problème à moi et ma responsabilité de l’affronter et de veiller à ce que tu n’en subisses pas les conséquences ».

Passage aux forceps, après des mois d’une grossesse pas simple, de la Phase Rebelle à la suivante.

 

 

Arrêt au troisième étage et dans ma quatrième phase vécue : ma Phase Travaillomane

 

A l’arrivée à cet étage, mon comportement changea : il me fallait être la plus compétente ! La plus compétente dans mon univers professionnel où j’étais déjà reconnue : pour ce faire, j’avalais d’innombrables revues et bouquins et recueillais toutes les informations opérationnelles et stratégiques possibles pour être à la hauteur de mes fonctions en tant que membre du comité de direction d’un groupe industriel international.

 

Il me fallait aussi être la plus compétente des mères.

Je regarde d’ailleurs parfois avec stupéfaction les quelques 40 bouquins que j’achetai et dévorai dès après la naissance de ma première fille pour connaître tout du rôle des parents, des relations parents enfants, du développement des bébés, puis des petits enfants… jusqu’à l’adolescence pour laquelle j’avais pourtant du temps devant moi avant de connaître celle de ma progéniture !

 

C’est à cette époque que je commençai une psychanalyse, pour comprendre en profondeur ce que j’avais affronté depuis l’enfance et éviter que mes enfants n’en subissent les conséquences sans que j’en sois consciente. Il me fallait donc, dans tous les domaines, toujours plus d’informations pour justifier ma parfaite compétence. Et avoir mon smartphone était un plaisir qui me permettait de les obtenir pour les retraiter et les structurer, puis en renvoyer à d’autres.

Je regarde cette période avec amusement… bien que plaignant a posteriori mes collaborateurs de l’époque à qui je laissais à peu près autant de marge de manœuvre qu’un saumon dans un aquarium de poisson clown.

Je relisais tout ce qui sortait de mon département, et, lorsqu’en stress, je me chargeais moi-même de toutes les tâches que j’estimais importantes… d’où un emploi du temps délirant où je travaillais toute la journée puis à nouveau le soir après le coucher de ma fille aînée que j’assurais toutefois scrupuleusement… car, je le rappelle, je voulais aussi être une mère parfaite.

Heureusement pour les collaborateurs que j’avais recrutés, je les trouvais compétents … et je leur donnais des signes de reconnaissance en faisant appel à mon étage du moment et ceux « du dessous » : compliments sur leurs compétences, sur leur savoir-être, et parfois « lâcher de phase vécue Rebelle » en organisant des réunions-piqueniques au parc Monceau ou des parties impromptues de frisbee au milieu des dossiers, des bouquins et des PCs.

Dans le même temps, j’écrivais des courriels de plusieurs pages, structurés en parties et sous-parties, chaque paragraphe contenant des tirets, avec des développements comportant des parenthèses et, dans celles-ci, des précisions entre crochets !

Je vécus plusieurs décès pendant cette période, suite auxquels, bien que touchée, je me remis immédiatement au travail sans me laisser submerger par le chagrin.

 

Jusqu’au jour où je pris conscience de certains dysfonctionnements familiaux dans le cadre de ma thérapie.

Dans un premier temps, je décrétai que je comprenais mais que « cela ne me faisait rien », mélange probable du « sois fort » de ma Base et du rejet de la tristesse de ma phase.

Dès le lendemain toutefois, je déclenchai un lumbago qui me maintint immobilisée sur mon lit pendant trois semaines. A l’issue de ces semaines de résistance, je ressentis enfin un profond chagrin.

J’allais avoir 42 ans et je changeai alors à nouveau de phase.

 

 

 

Arrêt au quatrième étage et cinquième phase vécue : ma Phase Persévérant

 

Après mon retour de cette immobilisation forcée, mon comportement changea et certaines choses me devinrent « totalement insupportables ».

Malgré mes efforts pour demeurer un « bon collègue », un « bon manager » ou une « bonne mère », je ne pouvais lutter contre une nouvelle propension à immédiatement relever les imperfections ou incohérences de mes interlocuteurs.

Des comportements au sein de mon entreprise, qui pourtant préexistaient, me parurent tellement opposés à mes valeurs que je passai le plus clair de mon temps à les combattre au nom d’une éthique et du rôle moral essentiel que j’attribuais à tout membre du comité de direction… dont moi évidemment.

Une personne me surnomma d’ailleurs « Jeanne d’Arc » !

Après deux ans de souffrance et de batailles et malgré les compliments qui m’étaient toujours fait sur mes compétences professionnelles et mes qualités managériales, je démissionnai de cette entreprise qui m’avait vue grandir et dont j’avais accompagné le sort avec tant de satisfaction pendant presque quinze ans.

 

Après une tentative peu concluante au sein d’une autre entreprise, je commençai une formation au coaching… et initiai un changement de type 2.

Ma vie professionnelle reprit ainsi du sens malgré les difficultés et les résistances rencontrées. Je me formais à un nouvel univers passionnant et conforme à mes valeurs d’humanité, de bienveillance et de recherche de sens dans la performance.

 

En parallèle, je fis toutefois face à une situation que je n’avais jamais rencontrée : non seulement je n’étais plus le soutien majeur de ma famille mais, les mois passant, ma situation devenait d’autant plus difficile que je ne parvenais toujours pas à subvenir à mes propres besoins… encore moins à ceux de mes proches.

Situation confrontante s’il en est pour une personne en Phase Persévérant… et après des mois où je m’enkystai dans des croisades et un mal être farouche, je ressentis une peur intense de n’être pas à la hauteur, d’avoir loupé ma vie, et en conséquence, celle de mon mari et de mes enfants.

C’était en février 2014. Quelques jours plus tard, j’expérimentai de nouveaux comportements tout à fait déroutants pour une personne de Base Rêveur…

 

 

 

Arrêt au dernier étage et dans ma sixième phase vécue / actuelle : ma Phase Promoteur

 

Pendant quelques semaines, j’eu beaucoup de mal à me reconnaître. Dès que j’élaborais dans ma tête des possibles professionnels… je lançais des actions pour les faire aboutir.

Moi qui avais dû limiter les rencontres dans les mois passés car je me sentais très rapidement épuisée, je multipliais les rendez-vous et les occasions d’échanges en ressentant une énergie très nouvelle.

Moi qui avais beaucoup dormi… je ne pouvais plus m’assoupir plus de 4 heures d’affilée… suite auxquelles j’élaborais un plan pour la journée voire la semaine… voire plus loin… que je mettais en œuvre dès que je me levais.

A certains égard, j’ai abattu en deux mois plus qu’en deux ans. Et tout cela, sans être fatiguée… bien que parfois j’en vins à me reprocher de partir tous azimuts sans structuration suffisante (stress de Base ?) comme s’il me fallait parfois « agir pour agir ». 

J’ai donc constaté un besoin soudain de bouger et d’être reconnue à nouveau pour ma réussite professionnelle et sociale. J’ai aussi expérimenté une énergie décuplée par les succès rencontrés grâce à mes actions.

 

Avec cette énergie… j’ai toutefois également expérimenté de nouvelles séquences de stress que j’ai encore du mal à maîtriser.

 

En premier lieu, lorsqu’on vient me solliciter alors que je fais quelque chose… j’ai beaucoup de mal à résister à un premier mouvement que j’appellerai le « mais débrouille-toi ! » : un comble pour un professionnel de l’accompagnement ou une mère aimante !

En second lieu et hélas, lorsque les choses ne se passent pas comme je le souhaite, je ressens parfois une rage tournée vers l’autre, celui ou celle à qui j’impute la responsabilité de cet échec ou de cet arrêt dans mon élan… et à cause duquel je me sens coincée dans ma progression…

J’ai tout à fait conscience d’être alors en plein stress de second degré et que la personne en face n’en est pas responsable… et je tente de mettre en place des actions pour « remonter » en énergie.

 

Avec du recul et une petite dose d’humour, il est tout à fait passionnant de vivre cette alliance étrange entre ma Base Rêveur et cette nouvelle Phase Promoteur, un peu comme un oiseau qui se met à nager !

Je la vois comme de nouveaux possibles qui me sont ouverts… et très pragmatiquement, je constate une bien meilleure capacité à échanger avec mon époux lorsqu’il part en croisade et à lui offrir de la reconnaissance avec doigté plutôt que d’enfourcher moi-même des dizaines de chevaux !

Mon voyage n’est évidemment pas terminé et je me réjouis par avance de la suite.

 

J’espère que vous aurez apprécié ses premières étapes et qu’elles vous auront permis de peupler d’exemples les différents étages et passages de phases.

 

Auteur : Mireille CLAPIER-DESCLOS

 

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