Les comportements sous stress et la Matrice d'Identification

 RESUME

Dans cet article, nous étudions la pertinence de la matrice d'identification, y compris lorsque la personne porte un masque de second degré de stress.

 

INTRODUCTION

La matrice d'identification est avant tout un outil d'aide au diagnostic pour situer la base de personnalité d'une personne. Cette personne est-elle orientée vers les tâches : base Travaillomane, Persévérant et Rêveur ou orientée vers la personne : base Empathique, Rebelle et Promoteur ? Cette même personne est-elle en déclencheur interne : base Empathique, Travaillomane, Persévérant, ou en déclencheur externe : base Rêveur, Promoteur, Rebelle ? Par le jeu des déductions, nous pouvons alors en déduire sa base de personnalité.

Reste alors parfois à mouliner d'autres hypothèses pour faire le distinguo entre la base Travaillomane et la base Persévérant, et entre la base Rebelle et la base Promoteur. Dans ce cas, mon outil préféré est d'observer les points forts. Cette personne est-elle avant tout logique, responsable, organisée (base Travaillomane) ou consciencieuse, observatrice, engagée (base Persévérant) ? Ou encore est-elle avant tout charmeuse, adaptable, pleine de ressources (base Promoteur) ou créative, ludique, spontanée (base Rebelle) ? Si le doute demeure, j'observe alors la partie de personnalité qu'elle active le plus.

Revenons à notre matrice. Au-delà de l'identification de la base, elle permet également de connaître les environnements préférés d'un individu. En groupe (famille, collègues, amis) pour quelqu'un de Base Empathique. Seul ou en tête à tête pour quelqu'un de base Travaillomane et Persévérant. Seul pour une personne de base Rêveur. Et enfin en groupes variés pour quelqu'un de base Promoteur ou Rebelle. L'environnement préféré est synonyme de confort pour la personne.

Mais que se passe-t-il lorsque cette même personne n'est pas dans une situation confortable, pire qu'elle est sous stress, pire encore qu'elle est sous stress de second degré ? Prenons le cas d'une personne de base-phase identique pour chaque type de personnalité. Quel est alors l'environnement vers lequel elle aura tendance à se tourner ?

Note sur l'offre de besoins psychologiques :

J'ai eu la chance, depuis ma certification Process Communication obtenue en 2006, de former plus de deux mille participants au modèle. D'après mes observations, qui se vérifient à chacun de mes séminaires, nous offrons facilement les besoins psychologiques de notre phase à l'autre, pensant ainsi que cela lui fera autant de bien qu'à nous. Je fais l'hypothèse que c'est aussi un moyen de montrer à l'autre ce dont nous avons besoin.

Combien de fois les participants à mes séminaires en phase Travaillomane me félicitent-ils pour mon travail ? C'est très fréquent, et ils le font très naturellement. Combien de fois, les participants à mes séminaires en phase Rebelle m'offrent-ils du contact ? C'est aussi très fréquent. Combien de fois mes participants en phase Promoteur me proposent-ils des coups à faire ? Combien de fois les participants en phase Persévérant me lancent-ils des débats ou disent qu'ils sont d'accord avec moi ? Combien de fois les participants en phase Rêveur me laissent-ils tranquille ? Combien de fois les participants en phase Empathique prennent-ils soin de moi ?

Tous m'offrent très volontiers leurs propres besoins. C'est aussi vrai bien sûr avec l'ensemble des personnes que j'ai la chance de rencontrer, au travail comme dans la vie personnelle, dès lors qu'elles sont en forme, elles m'offrent prioritairement leur besoin psychologique, soit bien sûr le ou les deux besoin(s) de leur phase.

 

BASE-PHASE EMPATHIQUE SOUS STRESS DE SECOND DEGRE

 

Sous stress de second degré,  la personne de base-phase Empathique utilise ses capacités émotionnelles pour se plaindre, dramatiser, se sentir victime, pleurer et faire des erreurs stupides et involontaires en se culpabilisant.

Auprès de qui ? En général du même groupe de proches dont elle a besoin pour se ressourcer : amis, proches collègues, famille. Gare alors à ceux qui ont peu d'énergie Empathique pour prendre soin d'elle et lui prodiguer de l'attention.

Sous stress, elle rejoint ainsi son environnement préféré : le groupe. A-t-elle alors tendance à prendre l'initiative du contact ? Oui. Et de qui parle-t-elle ?  Elle parle d'elle. Elle est bien orientée vers la personne.  Ainsi nous pouvons situer le type Empathique sous stress intense dans le même quadrant de la matrice d'identification que lorsqu'il se sent bien, en haut à gauche.

Elodie, formatrice de métier, accueille chaque participant à son séminaire avec un mot gentil. Elle s'intéresse tout de suite à la personne, s'enquiert de son état émotionnel, avec un contact visuel appuyé.  Cela pourrait faire parti de son métier de s'adresser ainsi au participant. Sauf que pour elle, ce n'est pas un participant, c'est déjà « Lionel », « Isabelle », ou « Jean-Louis ». Elle prend naturellement l'initiative du contact et s'intéresse avant tout à l'autre. Elodie a bien une base Empathique. Sa perception dominante est l'émotion.

Elodie cherche également très vite à satisfaire les besoins psychologiques de l'étage Empathique de l'autre. En s'intéressant à l'identité profonde de l'autre, pas à son image sociale, nous l'avons vu, c'est une belle façon se satisfaire la reconnaissance en tant que personne. En proposant un café, un siège confortable... à son interlocuteur, elle visera alors, généralement inconsciemment, les besoins sensoriels.

Elodie, notre formatrice, est en phase Empathique. Sur quel axe pédagogique va-t-elle insister pendant sa formation ? Son ressenti est que pour bien apprendre, un groupe a besoin d'une bonne ambiance. Elle va s'y atteler. Elle insistera aussi beaucoup sur la possibilité pour chacun de s'exprimer et de parler de lui, de sa vie personnelle, afin d'illustrer les concepts. Elle partagera elle-même beaucoup de sa vie personnelle, de ce qu'elle vit au moment de la formation.

Son séminaire est un franc succès, elle a nourri sa phase tout au long de la journée avec des participants charmants et attentionnés avec elle. Elodie rentre chez elle, certes fatiguée (animer une journée avec un dizaine de participants lui demande d'utiliser fréquemment son ascenseur), mais pleine d'énergie psychologique, avec l'envie de se faire du bien, et de bichonner son conjoint, Marc. Une soirée délicieuse s'annonce. D'autant que Marc est lui aussi en belle forme psychologique.

Une semaine plus tard, nous retrouvons Elodie. Elle travaille depuis plusieurs jours, seule, à une refonte pédagogique de sa formation. Elle apprécie ce travail sur la pédagogie, par contre elle n'aime pas rester seule plusieurs jours. Or Marc, formateur lui aussi, anime un séminaire dans le désert saharien et n'est pas joignable pendant plusieurs jours. Ses meilleures amies sont très occupées par leur progéniture en bas âge. Ses parents profitent d'une croisière en Méditerranée. Son nouveau voisin, qui sera bientôt un ami pense-t-elle,  ne donne pas signe de vie. Elodie se sent seule. Privée du besoin d'être reconnue en tant que personne, Elodie va tout de même chercher à le satisfaire, cette fois négativement. Le mécanisme d'échec est lancé, le masque de victime porté, nous allons l'observer en second degré de stress.

Que fait-elle ? Elle prend son téléphone et laisse un message désespéré à Marc, elle se plaint avec des sanglots dans la voix « je suis toute seule... j'en peux plus... je vais bientôt fondre en larmes ...  je suis pas en état... ». Elodie a pris l'initiative du contact, pour parler de qui ? Pour parler d'elle et de ses difficultés. Nous retrouvons Elodie sur le cadran en haut à gauche de la matrice d'identification, y compris en second degré de stress.

Etait-ce une bonne idée ? Il est rare, voire impossible de prendre des bonnes décisions en second degré de stress. Elle savait que Marc était injoignable, qu'elle tomberait sur sa boîte vocale, et qu'elle se sentirait encore plus éloignée de lui. Et pourtant elle n'a pas pu s'en empêcher.

Pas de réponse de Marc, Elodie est toujours sous stress, alors elle appelle sa mère, injoignable elle aussi, et lui laisse un message quasiment inaudible tant elle pleure. Elle appellera ensuite ses amis pour se plaindre. Nous retrouvons là son environnement préféré : le groupe. C'est à dire ses proches. Que doivent faire ses derniers ?  Lui envoyer de l'amour, si possible appuyé par un contact physique chaleureux, et rapidement Elodie retrouvera son sourire et son optimisme.

 

BASE-PHASE TRAVAILLOMANE SOUS STRESS INTENSE  

 

 

Sous stress de second degré, la personne de base-phase Travaillomane utilise ses capacités d'analyse pour surcontrôler, fait preuve de suractivité, montre de la rigidité et de la colère frustrée, et attaque sur le manque d'intelligence et/ou de compétence de l'autre. Auprès de qui fait-elle cela ? Auprès d'une personne.

Sous stress de second degré, elle reste dans son environnement préféré : en tête-à-tête. A-t-elle tendance à prendre l'initiative du contact ? Oui. Et de quoi parle-t-elle ? D'ordre, de propreté, d'argent, d'incompétence ou encore d'objectifs non atteints. Elle est clairement orientée tâche. Ainsi nous pouvons situer la personne de base-phase Travaillomane sous stress intense dans le même cadran de la matrice d'identification que lorsqu'elle est factuellement bien, en haut à droite.

Mathias, également formateur de métier, accueille chaque participant à son séminaire avec une salutation polie. Très vite, il se présente et partage de l'information avec son interlocuteur. Il le questionne sur le nom de son entreprise, son métier, sa présence au séminaire. Il pourra rapidement le classer. Sa perception dominante est la pensée factuelle. Notre participant témoin, Lionel, devient ainsi « le responsable informatique de 40 ans d'une entreprise française de software en croissance annuelle de 15 % sur son marché ». Mathias s'intéresse aux informations échangées avec l'autre, on peut clairement dire qu'il est centré tâche. Il prend l'initiative du contact nous l'avons vu. Nous pouvons dès lors situer sa base en haut à droite du cadran de la matrice d'identification. Base Travaillomane ou base Persévérant ? Mathias est avant tout responsable, logique, organisé, nous observons chez lui une base Travaillomane.

Mathias commence sa formation pile à l'heure prévue, soit 9h05. En effet, il a anticipé cinq minutes de délai pour accueillir les retardataires. C'est une façon pour lui de satisfaire son besoin de structuration du temps, et aussi celui de ses participants. Dès l'ouverture de son séminaire, il pose des questions de compréhension aux stagiaires, et les félicite pour leurs bonnes réponses. Il satisfait inconsciemment leur besoin d'être reconnu pour leur travail. Offrant prioritairement ses propres besoins psychologiques au groupe, nous pouvons en déduire que Mathias est en phase Travaillomane.

Sur quel axe pédagogique va-t-il insister ? Mathias énonce d'abord l'objectif pédagogique de chaque module, puis il trouve logique de présenter la théorie aux stagiaires, puis de leur proposer un exercice pratique, qu'ils font individuellement. Ensuite il prévoit un temps de partage, et répond aux questions, avec la satisfaction d'être le sachant.

Le séminaire de Mathias s'est très bien déroulé, le groupe était aussi intéressé qu'intéressant. Mathias a clôturé le tour de table final dans les temps. Il rentre chez lui avec la satisfaction du travail bien fait.

Le soir même Mathias reçoit un email d'un stagiaire, professeur de philosophie, une matière qu'il respecte beaucoup. Ce professeur le félicite pour sa formation, et lui écrit qu'il a beaucoup appris sur la façon d'animer un groupe en l'observant. Mathias se réjouit de ce mail et le transfère à sa chef, qui le félicite à son tour pour son excellente animation. Son besoin d'être reconnu pour son travail est pleinement satisfait, un sourire traverse son visage pour le reste de la soirée.

Une semaine plus tard, la journée commence mal. Le GPS de la voiture de Mathias a montré des dysfonctionnements dans la campagne landaise. Mathias ne trouve pas l'hôtel « Le Relais du silence », où il doit se rendre pour son séminaire. Il constate que les minutes défilent, entamant sa précieuse réserve de temps qui lui permet de bien se préparer avant le séminaire. Après avoir tourné en vain pendant dix minutes, il décide de joindre l'hôtel. Pas de chance, il tombe sur un message lui enjoignant de rappeler ultérieurement. Ses mâchoires se crispent, il tente un nouvel appel sans plus de succès. Mathias ouvre l'application GPS de son smartphone, hélas le réseau internet n'est pas assez puissant pour la faire fonctionner. Il insulte ses deux GPS, et repart. Après cinq minutes de route, il tombe sur un agriculteur, qui lui indique le bon chemin.

Arrivé dix minutes avant le début du séminaire, et visiblement très agacé par l'épisode, Mathias se rue au comptoir de l'hôtel, se place devant la jeune personne en charge de l'accueil et entame d'un air agressif :

-        « Vous pourriez répondre au téléphone plutôt que de fumer dehors !!!Pardon monsieur ?J'ai essayé de vous joindre trois fois et personne n'a été fichu de me répondre. Répondre au téléphone, vous savez ce que ça veut dire ?Je ne comprends pas...

-        « C'est pourtant simple, ça fait trente minutes que je tourne en pleine campagne, sans un panneau routier compréhensible, vingt minutes que j'essaie de vous joindre... Appelez-moi le responsable, tout de suite ! » continue-t-il toujours exaspéré.

Mathias, portant un masque de second degré de stress, a pris l'initiative du contact. L'hôtesse n'ayant même pas le temps de le saluer. Et quel est son sujet de courroux ? L'incompétence de l'accueil de l'hôtel. Une incompétence selon sa propre perception bien sûr. Nous retrouvons donc Mathias sur le cadran haut et droit de la matrice d'identification, lorsqu'il est sous stress de second degré. Nous retrouvons également son environnement préféré : le tête-à-tête. Son attaque vise exclusivement la réceptionniste.

Comment Mathias sera-t-il perçu par l'hôtesse ? Comme un client frustré, hargneux et mal luné. Va-t-elle spontanément chercher à satisfaire les besoins psychologiques de celui-ci ? Nous pouvons logiquement penser que non. Elle pourrait même en retour porter un masque de second degré de stress après avoir essuyé une telle attaque. Qu'aurait-elle dû faire ? Lui envoyer de l'amour comme précédemment avec Elodie ? Cela aurait envenimé la situation. Cette fois, il s'agissait de reconnaître sa responsabilité : l'accueil, que ce soit l'hôtesse ou un collègue, a fait une erreur en ne répondant pas plusieurs fois de suite au téléphone. Il s'agissait aussi de faire gagner du temps à Mathias, ce client très mécontent,  pour qu'il puisse commencer son séminaire à l'heure, et que l'hôtesse se montre le plus professionnelle possible.

 

BASE-PHASE PERSEVERANT SOUS STRESS INTENSE   

 

Sous stress de second degré, la personne de base-phase Persévérant utilise toutes ses capacités de jugement pour partir en croisade, ne plus supporter la critique, couper la parole, ne plus écouter, et devenir suspicieux. Auprès de qui fait-elle cela ? Auprès d'une personne. Nous pouvons alors l'observer avoir un comportement « soupe au lait » : elle ressort du stress aussi vite qu'elle y est entrée. Sous stress, elle reste dans son environnement préféré : seule. A-t-elle tendance à prendre l'initiative du contact ? Oui. Et de quoi parle-t-elle ? De valeurs, d'opinions, de morale, de choses à ne pas faire. Elle est clairement orientée tâche. Ainsi nous pouvons situer la personne de base Persévérant sous stress intense dans le même cadran de la matrice d'identification que lorsqu'elle est positive, digne de confiance, en haut à droite.

Léonore est fière de son métier de formatrice. Le premier matin du séminaire, elle accueille chaque participant avec une salutation polie. Elle en profite pour observer finement son interlocuteur afin de le juger et de l'évaluer. Elle se présente afin de donner des références rassurantes à son interlocuteur. Des références qu’elle étayera tant qu'elle percevra une once de doute dans les yeux de l'autre. Elle parlera très facilement de ses valeurs, et appréciera d'échanger des opinions avec cette personne en lui demandant son avis. Lionel deviendra alors non plus cadre expert en informatique comme il pouvait l'être pour Mathias mais cette fois « un participant qui me paraît fiable, intelligent, et participatif,  je pourrais compter sur lui pour relancer la dynamique du groupe si besoin ».

Sa perception dominante est l'opinion. Léonore est-elle centrée personne ou centrée tâche ? Elle est visiblement centrée tâche. Ce qui l'intéresse, c’est le débat d'idées, les valeurs. Peut-elle être moins centrée tâche que Mathias ? Cela dépendra de ses valeurs. Est-elle une personne engagée dans une association de réflexion sur les valeurs sociétales (tâche) ou dans une association prenant en charge cinq personnes démunies (tâche très orientée personne) ? En fonction de ses valeurs, plus ou moins tournées vers l'humain, une personne de base Persévérant est plus ou moins orientée vers la partie droite de la matrice d'identification.

Léonore prend-elle l'initiative du contact ? Elle le prend. Encore une fois cela sera moins visible que pour Mathias, car elle observe son interlocuteur avant même de le saluer, puis elle prend l'initiative du contact. Alors que Mathias lui a besoin d'information pour classer ce même participant, et prend donc instantanément l'initiative du contact. Ainsi donc nous pouvons situer Léonore sur la partie droite en haut de la Matrice, mais souvent plus bas et plus à gauche que Mathias. Léonore a bien une base Persévérant. Si le doute subsistait entre base Persévérant et base Travaillomane, nous pourrions nous pourrions observer chez Léonore ses premiers points forts : consciencieuse (en accord avec sa conscience), observatrice et engagée.

Dès le tour de table, la présentation de chacun des participants, Léonore reconnaît volontiers le sens de l'engagement de ses stagiaires dans leur travail et/ou dans leur vie personnelle. Elle relève naturellement les opinions, laisse chacun s'exprimer. Léonore a tendance à offrir le besoin d'être reconnu pour son travail en tant que mission, et le besoin d'être reconnu pour ses opinions à ses stagiaires. Offrant prioritairement ses besoins psychologiques au groupe, nous pouvons en déduire que Léonore a bien une phase Persévérant. Ce qui est confirmé par le sourire sur son visage lorsqu'elle clôt le débat avec ses stagiaires. Sa position de leader, en tant que formatrice, lui permet de satisfaire aisément ses propres besoins psychologiques, les besoins de sa phase.

Sur quel axe pédagogique va-t-elle insister ? Elle va encourager les stagiaires à donner un sens à ce qu'ils apprennent. Elle leur offrira de nombreux moments de débat, afin que chacun puisse donner son avis sur les concepts traités. Elle se rendra disponible aux pauses et à la fin de chaque journée, pour que chacun puisse lui demander des conseils.

Après trois jours de séminaire, les stagiaires ont été convaincus par les apports de Léonore. Certains lui font savoir qu'ils vont la recommander auprès de collègues. Un participant a même envoyé un mail à la patronne de Léonore en la mettant en copie, écrivant à quel point sa collaboratrice est de grand talent et digne de confiance, qu'elle aimerait que tous ses propres collaborateurs aient une telle personnalité, et des valeurs si vraies. Avant même que sa responsable ait répondu, Léonore est comblée par ce mail, et le retour de tous les participants. Son besoin de reconnaissance pour son travail en tant que mission est comblé.

Une semaine plus tard, Léonore assiste à une réunion de parents d'élèves et de professeurs, bien décidée à faire évoluer la pédagogie du collège, où son fils aîné étudie. Selon elle, elle est pleinement légitime à s'exprimer puisqu'elle-même forme des adultes. Elle s'investit beaucoup dans les nouvelles approches pédagogiques et souhaite en faire bénéficier les professeurs du collège. Elle rencontre la professeur principale de son fils. Dès qu'elle évoque un enseignement basé sur la personnalité de chaque jeune adolescent, la professeur lui rétorque sèchement :

-      « C'est aux élèves de s'adapter à la professeur, et non au professeur de s'adapter aux élèves. Comprenez Madame que nous avons 30 élèves par classe, il ne peut en être autrement. Je n'ai pas de temps à perdre dans avec des gens qui ne connaissent rien à rien sur l'école… Merci, au revoir », tente-t-elle de l'éconduire.

La professeur fait-elle une offre de communication ? Loin de là. Elle venait d'être vivement critiquée, devant plusieurs de ses collègues,  par la proviseure du collège pour avoir trop sévèrement puni un élève. Nous retrouvons donc cette professeur avec un masque de second degré de stress. Lequel ? Un masque d'attaquant du type Travaillomane : la professeur se montre rigide et attaque Léonore sur son ignorance de l'école. Les masques de second degré attirant les masques de second degré, la réponse se fait cinglante. Alors que la professeur pensait avoir mis un terme à la conversation, Léonore, non reconnue pour ses opinions, puisque pas écoutée, et en plus se voyant refuser le débat, dégaine à son tour sur un ton menaçant :

-      « De quel droit me parlez-vous sur ce ton ? Vous rendez-vous compte de la mauvaise image que vous donnez aux jeunes ? Un professeur qui n'écoute pas, c'est intolérable ! La première chose que vous devriez faire Madame, c'est de vous remettre en question ! »

Il est dès lors fort probable que la tension va continuer à monter de chaque côté, dans une escalade verbale. La professeur attaquant sur le manque de compétences de Léonore, qui répliquera sur le manque de valeurs de la professeur. Léonore est donc maintenant sous stress. Elle va prendre l'initiative du contact pour aller se plaindre du comportement de la professeur auprès de sa supérieure hiérarchique, la proviseure :

-      « C'est une honte Madame qu'une professeure ose parler à un parent sur ce ton ! »

Et encore n'est-ce là qu'un début, car elle va s'auto-alimenter en prêchant contre le comportement inadmissible de la professeur. Parle-t-elle de la personne ou est-elle centrée tâche ? En attaquant la proviseur sur le manque de valeurs de la professeur, elle est bien centrée tâche. Nous la retrouvons donc sur le cadran haut et droit de la matrice d'identification lorsqu'elle est sous stress de second degré. Faisant la morale à une personne à la fois, son environnement préféré reste bien le tête-à-tête.

Que peut faire la proviseure pour rétablir la communication en utilisant les outils de la Process Communication ? Tout d'abord, et cela pourrait suffire, l'écouter, et l'écouter jusqu'au bout sans l'interrompre. Puis reformuler selon son point de vue, par exemple :

         - « Selon vous, le comportement de ma collègue est inacceptable c'est bien       cela ? »

 Reformuler ne voulant pas dire être d'accord avec l'autre, mais faire entendre à l'autre que son message est passé. Enfin lui demander comment elle résoudrait la situation de son point de vue : « selon vous, comment faire pour rétablir un dialogue avec cette professeur ? ». Et là encore l'écouter, prendre en considération ses remarques, en respectant Léonore. Avec ces quelques phrases, nous pourrons constater que Léonore dépose son masque de second degré de stress. Qu'a donc fait la proviseure ? Elle a offert le besoin d'être reconnu pour ses opinions à Léonore.


BASE-PHASE REVEUR SOUS STRESS INTENSE    

 

Sous stress de second degré, la personne de base-phase Rêveur utilise toutes ses capacités de calme et d'imagination pour attendre passivement, devenir transparente, recluse, non compétitive, hypersensible. Auprès de qui fait-elle cela ? Elle est seule, dans sa tour d'ivoire. Sous stress intense, elle reste dans son environnement préféré : seule. A-t-elle tendance à prendre l'initiative du contact pour exprimer son stress ? Non. De quoi parle-t-elle ? Elle ne parle pas et se perd dans ses pensées. On peut dire qu'elle est orientée tâche. Ainsi une fois encore, nous pouvons situer la personne de base Rêveur sous stress intense dans le même cadran de la matrice d'identification que lorsqu'elle se voit calme et bien, en bas à droite.

Tout comme ses trois collègues, Marine est formatrice. Marine a besoin d'un temps seule le matin avant que les participants arrivent. Elle a besoin de se préparer dans le calme, loin de la forte énergie collective qu'il y aura bientôt. En arrivant dans la salle de séminaire, elle prend ses repères en imaginant la vie du groupe dans cette salle. Elle installe le matériel en faisant des gestes calmes. Lorsque tout est prêt, elle se met derrière son ordinateur et consulte ses mails. Les premiers participants arrivent. Elle lève la tête pour les saluer, avec un léger sourire plein de douceur, leur souhaite la bienvenue et retourne à ses mails, les laissant tranquilles pour qu'ils aient le temps de s'installer. Naturellement, Marine ne prend pas l'initiative du contact. Elle est en déclencheur externe.

Lorsqu'un participant vient la saluer, ce qu'elle apprécie, elle ne dit pas bonjour la première, elle répond au bonjour par un bonjour. De manière identique, elle ne pose pas de questions, elle répond aux questions de son interlocuteur, sans le relancer systématiquement. Elle peut avoir appris dans son métier de formatrice, qu'il est important d'accueillir chacun et de se présenter. C'est alors justement un comportement appris, elle prend son ascenseur pour répondre aux besoins de sa fonction de formatrice. Lionel qui vient se présenter n'est plus « le participant fiable et participatif », Lionel est cette fois l'homme qui « à peine levé ce matin, a consulté ses mails. Il s'est attardé sur le mail de son correspondant indien,  lui demandant d'intervenir à Goa dans quelques jours. Il a pris  trois tartines  avec son café, il était déjà à Goa. Dans le métro, Lionel a croisé un ancien copain d'école, ils ne se sont pas salués. » Bien sûr tout cela est complètement imaginaire, La perception dominante de Marine est l'imagination.

Marine est-elle centrée personne ou tâche ? Imaginer la vie de Lionel est bien centrée tâche. Nous avons pu aussi l'observer pendant qu’elle répondait à ses mails, là encore elle est centrée tâche. Marine est donc située dans le cadran bas et droit de la matrice d'identification. Marine a bien une base Rêveur. Ce que vient confirmer ses points forts dominants : calme, imaginative, réfléchie. Une zénitude émane d'elle. Quel est son environnement préféré ? Seule. Comment une personne qui préfère la solitude peut-elle exercer le métier de formatrice ? Rappelons-nous que dans l'environnement préféré, il y a la notion de préférence, et non pas d'exclusivité. La personne se ressource dans son environnement préféré, elle n'y reste pas toute sa vie. Comment Marine exerce-t-elle son métier ? Le midi, pendant que le groupe déjeune, elle pratique la relaxation dans la salle, elle se remet dans son environnement préféré. Le soir après ses journées d'animation, elle a besoin de rester tranquille, de dîner rapidement avec son conjoint, et d'être seule pour le restant de la soirée, à lire un livre au calme. Nous retrouvons là le besoin de solitude. C'est justement ce qu'elle offrait aux participants arrivant le matin : de l'espace, du calme et du temps pour qu'ils prennent leurs marques. Marine a bien une phase Rêveur.

Comment Marine peut-elle être motivée par son métier ?

Tout d'abord, excellente professionnelle, elle se sent désirée par le groupe, ce qui répond positivement à sa question existentielle : « suis-je voulue ». Ensuite, elle a organisé son métier de telle sorte qu'elle anime seulement deux à trois jours par semaine. Le reste du temps elle travaille seule à son bureau, écrit des programmes pédagogiques, des articles sur son métier, et répond à de nombreux mails. Elle recharge alors ses batteries dans sa phase. « Un formateur base-phase Rêveur ça existe vraiment ? » - les jeunes certifiés en Process Communication me posent souvent la question. Oui ça existe, j'en ai rencontré plusieurs, s'épanouissant dans leur métier, dès lors qu'ils arrivent à satisfaire leur besoin de solitude. Nous pouvons aussi nous rappeler l'importance de l'étage suivant notre phase dans notre structure de personnalité. Lorsque nous sommes en bonne forme, nous sommes attirés par les besoins psychologiques correspondants. En l'occurrence, Marine a un second étage Rebelle. Elle est très attirée par le besoin de contact, or animer un groupe est un excellent moyen de satisfaire ce besoin de contact.

Sur quel axe pédagogique va-t-elle insister ? Marine commence chaque module par une histoire imaginaire, qui introduit les concepts. Puis elle présente la théorie, comme le ferait Mathias, de base Travaillomane. Ensuite elle propose un exercice où chacun est invité à prendre du recul, là où l'exercice de Mathias était un pur exercice d'application. Lors des questions au groupe, elle n'a pas toujours de réponse, car comme le dit souvent « tout est une question de perspective ».

Ainsi après avoir passé trois jours à réfléchir avec les stagiaires, à avoir été considérée comme « le sage du groupe », mais aussi avoir été créative pendant la formation et avoir bien ri avec le groupe, pour nourrir le deuxième étage de sa structure de personnalité,

et enfin ayant pu se ressourcer dans la solitude le midi et le soir, Marine est pleine d'énergie, une énergie calme et centrée. Elle a réussi à satisfaire son besoin de solitude.

Une semaine plus tard, Marine est responsable du stand de son cabinet de formation lors d'un congrès pour les coachs. Marine n'était pas volontaire pour animer ce stand, elle a dû remplacer une de ses collègues en urgence. Elle se retrouve donc dans les couloirs d'un centre de congrès, sans lumière du jour, dans le bruit, avec une foule passante. La majeure partie des passants l'ignorent. D'autres prennent de temps en temps une brochure. Quelques-uns lui posent des questions. Marine ne se sent pas à sa place, elle a du mal à finir ses phrases quand un prospect l'interroge : elle est sous l'influence de son driver sois-fort. Surtout Marine est privée de solitude, de temps, d'espace et de calme pour elle. Elle s'en sort la première journée, en se ressourçant dans la solitude le soir même. Mais elle doit aussi être présente la journée suivante. C'en est trop pour elle. Dès la fin de matinée, elle ne se rend plus disponible, et consulte ses mails sans un regard pour les visiteurs de son stand. Trop de bruit, elle n'arrive pas à se concentrer. Elle se sent de plus en plus mal, elle a envie d'hurler qu'elle n'est pas bien, même si aucun son ne sort de sa bouche. Elle s'enferme dans sa tour d'ivoire, ne pense plus qu'à quitter ce lieu toxique pour elle, et ne répond plus à personne. Elle ne prend plus la moindre initiative. Elle pourrait sortir se ressourcer quelques instants. A la place elle attend passivement, laissant son esprit errer dans l'inconfort, perdu. Elle est tellement recluse que les visiteurs du stand ne le remarquent pas, ils pensent que le stand est désert.

Elle n'est pas du tout centrée sur la personne, ni sur elle, on peut donc en déduire qu'elle est centrée tâche. Des tâches qu'elle ne fait même plus, mais qu'elle peut imaginer faire.

En second degré de stress, nous retrouvons Marine dans le cadran droit et bas de la matrice d'identification, en proie à ses démons, dans son environnement préféré : elle s'est arrangée pour être seule malgré le bruit et la foule. Seule dans sa tête en tout cas.

A ce moment là, la patronne de Marine passe à l'improviste pour se faire une idée du retour sur investissement du stand. Elle constate les dégâts. Les dégâts psychologiques chez Marine. Heureusement pour sa collaboratrice, elle manie les outils Process Communication : « Prend le restant de ta journée pour t'oxygéner à l'air frais, je te remplace sur le stand ». Cette intervention est-elle suffisante pour sortir Marine de ses pensées noires ? Pas forcément, en tous cas Marine a renoué le contact visuel avec sa chef. « Va faire le point dehors, va reprendre tes esprits, vas-y maintenant ». Marine sort lentement de sa grande torpeur. « Imagine toutes les solutions pour qu'on fasse différemment la prochaine fois, et reparlons-en demain ». Cette fois, c'est la bonne, après ces différentes offres de solitude, le visage de Marine est à nouveau capable d'exprimer des émotions.

 

BASE-PHASE PROMOTEUR SOUS STRESS INTENSE  

 

Sous stress de second degré, la personne de base-phase Promoteur utilise toutes ses capacités d'adaptation et d'instinct pour manipuler, prendre des risques dangereux, être impulsive, surexcitée et ne pas apprendre de ses erreurs. Auprès de qui fait-elle cela ? Plus son public sera large et varié, plus elle en retirera un bénéfice négatif important. A-t-elle tendance à prendre l'initiative du contact pour exprimer son stress ? Non, elle attend une opportunité à saisir pour exprimer son stress. De quoi parle-t-elle ? Elle parle de l'autre, des autres, en cherchant à embrouiller tout le monde. Elle est orientée personne. Nous pouvons aussi la situer dans le même quadrant de la matrice d'identification que lorsqu'elle agit avec puissance, en bas à gauche.

Arthur est un énergique formateur depuis cinq ans. Il vit pleinement son métier. Il enchaîne les missions différentes,  avec des publics très différents. D'autant plus différents qu'il anime en anglais dans le monde entier. Lorsque les participants pénètrent dans la salle, Arthur attend un déclencheur, un très léger signal, avant de venir les saluer. Ce signal peut être un regard, un rapprochement physique, une posture. Ce signal peut être aussi l'importance identifiée d'un participant, comme un directeur des ressources humaines ou un directeur général qui vient assister au séminaire avant de le déployer dans son entreprise. Toute personne présentant un enjeu est un déclencheur pour lui.

Une fois le signal émis et reçu, Arthur vient se présenter, droit dans ses bottes, avec allure et charisme. Arthur, s'il rentre vite en action, ne prend pas tout de suite l'initiative du contact, il se situe en déclencheur externe sur la matrice d'identification. Notre participant témoin, Lionel, n'est plus l'homme qui « à peine levé ce matin, a consulté ses mails. Il s'est attardé sur le mail de son correspondant indien » comme il l'était avec la perception de Marine. Cette fois Lionel est «  le mec avec qui il y a un coup à faire dans le domaine de l'informatique ». La perception dominante d'Arthur est bien l'action. A qui s'intéresse-t-il le plus ? La personne ou la tâche ? Si la personne de base Promoteur est proche du centre de la matrice, elle n'en reste pas moins centrée personne. Elle s'intéresse plus à la relation qu'au résultat. Ses points forts sont le charme, l'adaptabilité, et la persuasion. Ses caractéristiques ont besoin de l'autre pour s'exprimer. Il est en effet bien impossible de charmer un objectif, une information. Si elle s'intéresse plus à la relation qu'au résultat,  elle sera également beaucoup plus attirée par l'objectif que la personne de base Empathique ou base Rebelle, voilà pourquoi nous la retrouvons proche du centre de la Matrice.

Ecoutons Arthur échanger avec Lionel à la pause :

-      « Dis-moi, tu connais Jacques Estradier, le DG de ta boîte ? 

-      Oui, nous sommes régulièrement en contact. 

-      Monte-nous un déjeuner tous les trois, j'ai un client intéressé par vos méthodes. On négociera alors une commission en tant qu'apporteurs d'affaires. »

Dans cet exemple, Arthur parle d'abord des personnes, puis très vite de ce qu'il peut y gagner (tâche).

En résumé, Arthur se situe sur le cadran bas à gauche de la matrice d'identification. Arthur a bien une base Promoteur. Si le doute persistait entre base Rebelle et base Promoteur, nous observerions Arthur plus charmeur, adaptable et persuasif, que ludique, spontané et créatif. 

Quel besoin psychologique, Arthur offre-t-il à Lionel dans le court dialogue ci-dessus ? Le besoin d'excitation. Serait-ce le besoin qu'il offre le plus souvent ? Observons-le au quotidien dans sa journée d'animation. Dès son introduction, il met le groupe en compétition positive. Il annonce distribuer des points à chaque bonne réponse des participants. Celui qui aura le plus de points à la fin du séminaire, se verra offrir une bouteille de champagne millésimée. Il leur donne également très vite des défis à relever. Arthur offre naturellement le besoin d'excitation à ses stagiaires. Arthur a bien une base et une phase Promoteur.

Sur quel axe pédagogique va-t-il insister ? Sur celui de faire avant d'apprendre ou plus exactement de faire pour appendre. Il demande régulièrement aux stagiaires de se mettre en situation et d'en tirer eux-mêmes les conclusions, afin de leur donner ses propres apports. Nous retrouvons là sa perception action.

A la fin des trois jours de séminaire, Arthur a brillé devant son public. Il a eu de nombreux retours du type : « quel homme ! », ou encore « il nous en a mis plein la vue », « ce formateur est extraordinaire ». Lionel a réussi à lui décrocher un rendez-vous avec son directeur général, un rendez-vous plein de promesses. Et dès le lendemain matin, Arthur s'envole pour New-York, une ville qu'il apprécie pour sa forte énergie et la rapidité d'exécution de ses stagiaires new-yorkais. Arthur rentre chez lui pleinement satisfait.

Une semaine plus tard, Arthur doit participer à deux journées de rencontre entre responsables de formations et formateurs à Deauville. Il compte bien étoffer son carnet d'adresses et rencontrer de nouveaux clients, le tout dans une station balnéaire chic. Sa première déception a lieu quand il découvre l’endroit : le sous-sol d'un vaste hôtel sans aucun charme dans la banlieue deauvillaise, ce qui ne correspond pas du tout à son goût pour le prestige, cher à sa phase. Très vite Arthur constate qu'il y a de nombreux cabinets de formation représentés, mais peu d'acheteurs de formation. Pire encore, les acheteurs présents sont essentiellement à la recherche de formations en langue et en informatique.

Présent depuis moins d'une heure à son stand, Arthur comprend qu'il n'a rien à faire ici. Il a payé une somme rondelette pour participer à ces deux journées, il se sent coincé. Deux heures plus tard, alors qu'il ne s'est toujours rien passé, Arthur n'en peut plus. Privé de toute excitation, il craque. Il quitte son stand, et part rôder dans les autres. Il s'arrête devant un stand au hasard, enlève discrètement son badge de formateur, fait mine de lire quelques documents, quand une formatrice s'approche de lui pour lui demander s'il veut un renseignement.

-      Permettez-moi de me présenter. Arthur Miller, DRH d'Apple.

-      Bonjour monsieur, Jeanne Esposito, formatrice du cabinet Well-Being.C'est intéressant ce que vous faites, c'est exactement ce que je recherche pour mes managers, je voudrais les former à vos méthodes.Oui bien sûr, en quoi puis-je vous aider ?Ça n'a pas l'air efficace votre méthode, vous n'avez pas vu que j'étais formateur ? »

Et il s'en va, laissant la formatrice toute déboussolée. Arthur a réussi une manipulation. Il s'est arrangé pour que la formatrice prenne l'initiative du contact. En manipulant l'autre, il était centré sur la personne, adaptant ses attitudes corporelles à celle de sa proie. En second degré de stress, nous retrouvons Arthur dans le cadran bas et gauche de la matrice d'identification, et proche du centre, sous l'influence de son mécanisme d'échec. En continuant à l'observer nous le verrions, aller semer la zizanie de stand en stand. Son environnement préféré étant là aussi : en groupe varié.

-      « Arthur ! »

Surpris Arthur se retourne, et reconnaît sa patronne, arrivant à l'improviste. Elle voit à son regard et à ses gestes qu'il est en souffrance. Elle va alors manier les outils Process Communication.

-        « Viens déjeuner avec moi, j'ai un beau projet à te proposer », lui dit-elle.

-        « Quoi ? » répond-il en la toisant.

-        « Déjeunons dans ce restaurant étoilé face à la mer, pour en parler. »

Et déjà le regard et l'attitude d'Arthur ont changé.

 

BASE-PHASE REBELLE SOUS STRESS INTENSE     

 

Sous stress de second degré, la personne de base-phase Rebelle utilise toutes ses capacités créatives pour blâmer, rejeter la faute sur les autres, ne pas assumer ses responsabilités, bouder, être borné et hostile. Auprès de qui fait-elle cela ? Elle a besoin d'un public large et varié. A-t-elle tendance à prendre l'initiative du contact pour exprimer son stress ? Non, elle a besoin de complicité pour rebondir, elle est la pro du ping-pong. De quoi parle-t-elle ? Elle parle de l'autre, des autres, en les accusant à sa place. Elle est orientée personne. Nous pouvons ainsi la situer dans le même cadran de la matrice d'identification que lorsqu'elle réagit avec spontanéité, en bas à gauche.

Thierry est un formateur expérimenté d'une cinquantaine d'années. Ancien manager commercial dans les logiciels informatiques, il se réjouit chaque jour de s'être réorienté dix ans auparavant. Il adore former sur des sujets très variés, avec un public varié lui aussi. Le matin, alors que les premiers participants arrivent, Thierry dessine sur le paperboard. Il ne prend pas naturellement l'initiative du contact. Par contre dès qu'une personne vient le saluer, il réagit d'un sonore « oh, bonjour ! ». Au déjeuner, si les participants sont silencieux, il le sera aussi, car il a besoin d'un « ping » pour envoyer son « pong ». Par contre au même déjeuner, dès qu'il pourra rebondir sur une idée, une question décalée ou qu'il pourra réagir à un événement incongru, il le fera avec plaisir. Le pire voisin de table est une personne de base Rêveur en premier degré de stress, impassible et dans son monde : il est alors privé de toute possibilité de réagir. Thierry se situe en déclencheur externe sur la matrice d'identification. Cette fois Lionel, notre participant témoin n'est plus : «  le mec avec qui il y a un coup à faire dans le domaine de l'informatique », mais « le mec sympa, qui a l'air détendu, qui va mettre une bonne énergie dans le groupe, je le sens bien ». Le « je le sens bien » étant à prendre comme une réaction, la perception dominante de Thierry et non comme une émotion.

A qui ou à quoi s'intéresse avant tout Thierry ? C'est le qui et non le quoi. C'est-à-dire que Thierry est centré sur la personne, ce qui compte avant tout pour lui est la qualité de la relation, pas le résultat obtenu. Ses caractéristiques comportementales sont : créatif, ludique, spontané, autant de forces qui passent par la relation à l'autre. Il est en effet  délicat d'être ludique avec une tâche. La créativité, elle, s'entend plus au titre d'idées dans la discussion avec l'autre, que dans son approche la plus artistique.

Ainsi donc Thierry se situe sur le cadran bas et à gauche de la matrice d'identification. Il a bien une base Rebelle. Si le doute persistait entre base Rebelle et base Promoteur, avant d'écouter sa perception préférentielle, nous l'observerions créatif, ludique et spontané, plus que charmeur, adaptable et plein de ressources. Cela étant, le type Rebelle est-il toujours spontané ? Pas toujours, ou plutôt il le sera toujours quand il sera en confiance avec les autres. La personne de base Rebelle a parfois appris à mettre sa spontanéité de côté dans un groupe qu'elle ne connaît pas bien, car elle appris à ses dépens que sa spontanéité n’était pas toujours acceptée. D'expérience, cette nuance est particulièrement vraie avec les personnes de base Rebelle et de phase Empathique, qui ont peur de blesser les autres avec trop de spontanéité.

Quel besoin psychologique Thierry offre-t-il dès le début de ses formations ? En faisant réagir le groupe, en rebondissant sur tout ce qui est dit, en étant physiquement proche du groupe, il offre naturellement le besoin de contact. Thierry a bien une base et une phase Rebelle.

Sur quel axe pédagogique va-t-il insister ? Sur la pédagogie par le jeu, en laissant le groupe faire comme il a envie, et en faisant participer au maximum les stagiaires, ce qui est un excellent moyen de nourrir son besoin de réaction.

Thierry est ravi de ses trois jours de séminaire. Il n'a pas suivi le programme officiel pour être plus souple, et a ainsi eu la liberté d'inventer de nouveaux exercices. Le groupe riait à ses jeux de scène, à ses facéties pédagogiques. Les objectifs pédagogiques ont été atteints dans une ambiance stimulante, sérieuse sans se prendre au sérieux. Cerise sur le gâteau pour Thierry, ce soir un dîner sympa avec son épouse et ses meilleurs amis l'attend. Le sourire et la décontraction accompagneront Thierry toute la soirée.

Une semaine plus tard, Thierry anime un séminaire sur la gestion du temps. C'est le séminaire qu'il aime le moins. A la demande expresse de sa patronne, il remplace une collègue et doit animer selon le conducteur pédagogique de celle-ci, qu'il trouve daté et peu efficace. Cela aurait pu l'amuser de suivre un cadre, mais en l'occurrence, il a trop animé ce séminaire, qu'il trouve rébarbatif, pour y trouver du plaisir. Il accueille un petit groupe de cinq personnes. Tout au long de la journée, ces personnes ont le nez plongée dans leurs notes, ne réagissent pas à ses « lâchers » de phase, ses offres de contact ludique et spontané. Elles sont sérieuses et quoi que contentes de la formation, ne participent pas, ne répondent pas aux questions. Thierry est alors obligé de répondre à ses propres questions. Le soir, en voiture, son énergie est basse. Privé de son besoin de contact, il n'a aucune envie d'y retourner le lendemain. C'est alors qu'un collègue l'appelle au téléphone. Il branche son bluetooth et répond.

-               «  Salut Thierry, ça va ?

-               Ouais, bof, j'ai un groupe super chiant là, répond-il, déjà sous stress.Ah oui ça arrive. Dis, quand est-ce qu'on fait un point sur ton intervention de la semaine prochaine chez mon client ? Il est plus que temps, ça va venir vite.Quel client ?Obtra, tu sais bien...Bah non...

-               Tu dois intervenir lundi et mardi prochain ?C'est quoi ces conneries ?

-               C'est vrai, je te jure !Je peux pas, j'ai des rendez-vous !Là, t'as juste pas le choix mon vieux…Putain, tu fais chier là ! Je peux pas savoir, si tu me m'envoies pas de mail pour confirmer !, répond-il, glissant en second degré de stress.Je t'ai envoyé un mail de confirmation.Ca me saoûle cette boite, j'en ai des milliers de mails, j'ai autre chose à f… que de passer mon temps à les lire. Je peux pas y aller chez ton client, c'est pas possible t'as compris ? Vous me faites tous ch… à la fin ! » Et il raccroche brutalement.

Thierry, déjà passablement irrité par sa journée, a-t-il pris l'initiative du contact ? Non. Dans la dynamique Rebelle, c'est le premier qui se présente qui essuie le blâme. Sous stress de second degré, il ne prend pas l'initiative du contact.  Au lieu d'utiliser sa forte créativité pour résoudre le problème, Thierry se braque, devient obtus, et va même jusqu'à provoquer son collègue en lui raccrochant au nez. Il est alors centré sur la qualité de la relation, qu'il cherche à détériorer, pensant ainsi inconsciemment se faire du bien. C'est bien sûr l'inverse qui se produira. Il est alors particulièrement délicat de nourrir le besoin de contact quand l'autre cherche du contact négatif.

En second degré de stress, nous retrouvons Thierry dans le cadran bas et gauche de la matrice d'identification, sous l'influence de son mécanisme d'échec. En continuant à l'observer, nous le verrions blâmer la personne rentrant en contact avec lui, quelle que soit la raison - il a assez de créativité pour ne pas avoir besoin d'une raison particulière. Son environnement préféré reste : le groupe varié.

Alertée par l'incident, la patronne de Thierry passe le voir chez lui dans la soirée. Elle arrive déguisée en superwoman, fais de grands gestes désordonnées, sourit et ne dit rien. Il ne peut s'empêcher d'avoir un sourire complice. C'est gagné, ils vont pourvoir réguler et trouver des solutions ensemble.

 

CONCLUSION

En conclusion, la place dans la matrice d'identification et l'environnement préféré sont identiques que la personne soit en énergie positive ou sous-stress de second degré.  Sous stress, nous la retrouvons dans son environnement préféré pour se « défouler » ou  « refouler ». Les amis, la famille, les collègues pour la personne de base Empathique. Le collègue, le manager, le collaborateur, le conjoint, l'enfant pour la personne de base Travaillomane ou Persévérant. Tout le monde, pour la personne de base Rêveur. Les groupes d'amis, les différents collègues, toute personne à proximité,  pour les personnes de base Promoteur ou Rebelle.

 

Cyril Collignon

CEO, Kahler Communication Europe Juin  2013

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